La circoncision dans le monde non-juif

 

par Hillel Bakis (août 2019)

 

Selon une estimation de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) 30 % à 34% des hommes de plus de 15 ans étaient circoncis dans le monde en 2006 [1].

 

Les gros effectifs sont ceux concernés par la circoncision islamique, mais la circoncision est largement répandue aussi aux Etats Unis (81% des Américains âgés de 14 à 59 ans en 2013 [2] ; 60% des nouveau-nés mâles vers 2000 [3] ); 49% en Australie (en 1973) [4];  31.9% au Canada[5]. D’importants effectifs sont aussi circoncis au Royaume-Uni [6] et dans des pays d’Afrique (Madagascar ; Guinée [7] ; pays du golfe de Guinée [8]).

 

En Nouvelle Zélande le pourcentage de mâles circoncis était proche de 100% dans les années 1940. Mais en 2000 il était retombé à près zéro % en dehors de celles pratiqués pour les Juifs (32 circoncisions par an environ, un mohel venant de Sydney à deux reprises chaque année) et les Musulmans (240 circoncisions par an environ)[9].

 

A côté de motifs religieux, prévalent des motifs culturels et thérapeutiques[10]. La circoncision est utilisée contre le phimosis, comme hygiène préventive ou même, à tort ou à raison [11], comme aide à la prévention du SIDA en Afrique [12].

 

Une nouvelle technique israélienne de circoncision a été mise au point et utilisée sur plus de 100000 personnes en Afrique : « Développé par le groupe anti-SIDA israélien, Circ MedTech Ltd., PrePex est un anneau de circoncision qui a démontré qu’il pouvait réduire le risque de contracter le VIH de près de 60 %.  Le dispositif est simple – deux anneaux en plastique et une bande élastique – qui coupe la circulation du sang vers le prépuce, qui se désèche et qui se retire avec le dispositif après une semaine. Il n’y a pas de sang, pas de points de sutures, pas d’injection, très peu ou pas de douleur, et il est absolument gratuit…» [13].  Mais il faut préciser que ce dispositif quoique médicalement intéressant ne convient pas pour une circoncision respectant la halakha (loi selon la Torah et les décrets rabbiniques).

 

Il a été avancé par certains médecins [14] que la circoncision masculine peut réduire les risques d’infection du VIH « parce que le prépuce a une concentration plus élevée de récepteurs VIH par rapport au reste du pénis » [15]. Le Professeur Didier Raoult, directeur de l’URMITE (Unité de Recherche en Maladies Infectieuses et Tropicales Émergentes) à Marseille a reçu le Grand Prix Inserm 2010 pour l’ensemble de sa carrière. Il a rappelé que de nombreux travaux montrent que les circoncis sont moins infectés par le virus du sida.  C’est pourquoi la circoncision est considérée aux Etats-Unis[16] comme un atout considérable dans la lutte contre certaines épidémies mondiales sexuellement transmissibles[17]. Son avantage est si évident dans les cas de phimosis (maladie qui rend impossible la rétractation de la peau du prépuce sur le gland et empêche l’érection) que la Sécurité sociale française se suffit de cette  seule justification médicale pour rembourser cet acte chirurgical dans ce cas précis[18].

 

Le débat est vif cependant entre partisans et opposants à la circoncision de l’enfant. Les partisans de la circoncision font valoir que cette coutume millénaire relevait du droit à la liberté religieuse. Ceux qui s’y opposent parlent de violation de l’intégrité physique d’un enfant qui ne peut exprimer son choix. Ils estiment qu’il s’agit d’une mutilation sexuelle au même titre que l’excision. De plus, ils font valoir que l’acte selon eux n’était pas justifié médicalement d’autant que des complications existent parfois.

Certains pays ont pris parti contre la circoncision (hors prescriptions thérapeutiques)[19]. Un nouveau pas a été franchi par le Tribunal de grande instance de Cologne Ouest, Allemagne (2012) [20]. Des organismes internationaux abordent le sujet comme ce fut le cas pour le Conseil de l’Europe [21]  qui a publié une résolution [22] invitant les Etats membres agir contre les « violations de l’intégrité physique des enfants » : elle considère la circoncision de jeunes garçons pour des motifs religieux comme mutilante, au même titre que les mutilations génitales (excision) de jeunes filles musulmanes, les piercings, et les tatouages. Elle préconise l’adoption de « dispositions juridiques spécifiques pour garantir que certaines activités et pratiques ne seront pas effectuées avant que l’enfant soit assez âgé pour être consulté ». Plus récemment, un projet de loi a été déposé devant le Parlement islandais afin d’interdire la circoncision non-médicale des jeunes garçons âgés de moins de 18 ans (mars 2018).

 

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NOTES

 

[1] OMS,  http://www.who.int/hiv/mediacentre/infopack_fr_2.pdf  (consult.  mars 2010).

[2]  Center for Disease Control –CDC (2013), Prevalence of circumcision among men and boys aged 14 to 59 years in the united states, national health and nutrition examination surveys 2005–2010,  cité par : Sexually Transmitted Diseases: July 2013 – Volume 40 – Issue 7 – p. 521–525, doi: 10.1097/01.OLQ.0000430797.56499.0d

[3] Voir : “76% of all boys in the survey were circumcised — whites, about 80% , and blacks about 45%”, http://www.cirp.org/library/statistics/USA/ consult. mars 2010. Plus de 60% des nouveau-nés mâles sont circoncis vers 2000. “Circumcision rates increased significantly with time-48.3% of newborn males underwent circumcision in 1988 to 1991 vs 61.1% in 1997 to 2000” Nelson CPDunn RWan J & Wei JT  (2005), “The increasing incidence of newborn circumcision: data from the nationwide inpatient sample”. The Journal of urology, pp. 978-981. La croissance dans la population de personnes n’étant pas d’origine anglo-saxone (hispaniques notamment) expliquerait la diminution de la proportion de mâles circoncis aux Etats-Unis.

[4] La circoncision a été découragée par les milieux médicaux à partir de 1983. Aussi on note une chute de 1973 (49%) à 1980 (39%). Wirth, J.L, (1983), “Current circumcision practices in Australia”, Med. J. Aust., 1, p. 179. Une autre enquête a estimé que 65.68% des mâles nés entre 1941 et 1952 étaient circoncis ; ces pourcentages tombant ensuite de 66.75% (mâles nés entre 1951-1962) à  31.64% (mâles nés entre 1982-1986) – voir : Richters J, Smith AMA, de Visser RO, et al (2006), « Circumcision in Australia: prevalence and effects on sexual health”, Int J STD AIDS, vol. 17, pp. 547–554 cit. http://www.cirp.org/library/statistics/CandNon-C/#n9 consult. mars 2010.

[5] Les pourcentages varient selon les provinces : 44.3% dans l’Alberta, 43,7% dans l’Ontario, 12% au Québec (http://www.courtchallenge.com/refs/yr99p-e.html ; consult. mars 2010). D’autres données indiquent : 20% des nouveau-nés circoncis vers 1994 contre 9.2% en 2005 (http://www.cirp.org/library/statistics/Canada/);  une chute d’environ 36% entre 1973 et 2003 où 14% des nouveau-nés seraient circoncis)  (The Gazette, Montreal, March 23, 2006).

[6] 35 % des mâles dans les années 1930 ;  déclin ultérieur (environ 20 % dans les années 1940). Une enquête de 1990 aboutit à la conclusion que 21.9% des mâles étaient circoncis. En 2000, 11.7% des mâles nés entre 1981 et 1984 étaient circoncis (http://www.cirp.org/library/statistics/UK/ , consult. mars 2010). Certains auteurs prétendent que les mâles de la famille royale britannique ont été systématiquement circoncis (depuis les garçons de la reine Victoria au 19ème s. ; Lady Diana a interdit la circoncision de ses fils qui auraient respecté la tradition familiale après sa mort. Le R’ Jacob Snowman, mohel de Londres a été choisi pour le prince Charles selon R’ Z. Cohen (2009), La Révolution… Voir les pp. 148-149.

[7] Gnabaly A. (1988), « La circoncision chez les Diakhanke (Guinée) », Islam et Sociétés au Sud du Sahara,  no2, pp. 151-154.

[8]  Du Libéria au Cameroun.

[9] Environ 0.35% selon un sondage dans les hôpitaux publics en 1995).  http://www.cirp.org/library/statistics/ (consult. mars 2010); voir : McGrath, Ken, and Hugh Young, « A Review of Circumcision in New Zealand ». Understanding Circumcision, edited by Denniston et al. Kluwer Academic/Plenum Publishers, New York, 2001, 129-146.

[10]  On parle alors de : posthectomie.

[11]  En 2007, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Programme de l’ONU contre le SIDA ont affirmé que la circoncision réduisait le risque de transmission hétérosexuelle du SIDA.  (L’OMS et l’ONUSIDA rendent publiques les recommandations d’une consultation d’experts sur la circoncision pour la prévention du VIH. http://www.who.int/mediacentre/news/releases/2007/pr10/fr/index.html, 28 mars). Cet avis s’appuie sur : une étude menée en 2005 en Afrique du Sud, qui a démontré  une diminution de 60 % du risque de transmission du VIH chez les hommes circoncis; deux autres essais menés ensuite au Kenya et en Ouganda  ont également révélé une réduction des risques d’infection chez les hommes circoncis (50%). Ces conclusions sont discutées par un avis du Conseil national du sida (CNS). Voir : http://www.cns.sante.fr/spip.php?article277, consult. mars 2010.

[12]  La circoncision masculine médicale est adoptée par plusieurs pays africains dans une stratégie de prévention ; des politiques publiques sont engagées en ce sens. Au Kenya : on estime que 85% des hommes sont circoncis (l’objectif affirmé alors était d’amener l’ensemble des hommes non-circoncis – soit 1, 1 million de personnes – à se faire opérer). En Tanzanie, 70 % des hommes sont circoncis. En Afrique du sud, 35% des hommes sont circoncis. En Ouganda entre 25 et 35% des hommes sont circoncis. En Zambie on estime que 13 % des hommes sont circoncis. Au Swaziland 8% des hommes sont circoncis l’objectif recherché est de circoncir 80% des hommes âgés de 15 à 24 ans en quelques années. Source : http://osi.bouake.free.fr/?Afrique-Suivre-les-avancees-dans, 3 mars 2010). Noter que huit institutions médicales israéliennes ont entrepris « l’opération Abraham » au Swaziland pour former les chirurgiens locaux à la circoncision en toute sécurité (Jérusalem Post, 17 février 2010).

[13] Aaron J. Fink, M.D., (1926-1994) – Auteur de : Circumcision: A Parent’s Decision for Life. Mountain View. Calif.: Kavanah, 1988.

Gerald N Weiss – Auteur , avec Andrea W Harter, de : Circumcision: Frankly Speaking.

Egdar Schoen (1925-2016) – Il estimait que la circoncision permettait d’éviter des problèmes dermatologiques. Il a expliqué, dans son livre que la « circoncision est une mesure de santé préventive, comme les vaccinations. Vous faites quelque chose maintenant qui vous aidera plus tard. Dire qu’un parent n’a pas le droit de faire une mesure de santé préventive pour ses enfants est ridicule ».  Cité in Dan Pine, « Both sides of the debate: Two Jewish doctors offer opinions on circumcision » (www.jweekly.com/2011 6 mai 2011).

[14] The times of Israel, 25 nov. 2015.

[15] The times of Israel, 25 nov. 2015.

[16] Baker M. (2012), « Doctors back circumcision », Nature, Aug 30, 488(7413),568 ; Pr. Didier Raoult (2012), Le Point, 19 octobre, http://www.lepoint.fr/invites-du-point/didier_raoult/la-circoncision-condamnee-en-allemagne-est-recommandee-aux-etats-unis-29-10-2012-1522602_445.php.

[17]  Certains avancent que la circoncision protègerait tant du VIH que de l’herpès et du virus du papillome humain. Il diminuerait aussi le risque d’infections urinaires et d’éjaculation précoce.

[18] Hache, Caire (2014),  ‘Faut-il encourager la circoncision pour des raisons médicales?’, L’Express,  https://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/faut-il-encourager-la-circoncision-pour-des-raisons-medicales_1628725.html. 4 décembre.

[19]  Mais ils continuent à fêter le changement d’année civile, alors que le 1er janvier a été fixé pour commémorer une circoncision.

[20]  Qui considère que « Cette modification [la circoncision] est contraire à l’intérêt de l’enfant qui doit décider plus tard par lui-même de son appartenance religieuse » et que « Le droit d’un enfant à son intégrité physique prime sur le droit des parents ».  Cit. Le Figaro, 27 juin 2012.

[21] Les activités de cette organisation intergouvernementale siégeant à Strasbourg (47 États membres dont les 28 membres de l’U.E) intéressent visent à l’élaboration d’un large éventail de normes juridiques et conventions notamment dans les domaines de la protection des droits de l’homme.

[22] Conseil de l’Europe (2013), Le droit des enfants à l’intégrité physique, Résolution 1952,