Par
Rav Eliyahou Bakish
Rabbin-marieur et mohel, éditeur du site web brit-milah.com[1]
La lecture publique d’un document fait partie de la cérémonie du mariage sous le dais nuptial (‘houpa). Ce document, est parfois un document de grande taille artistement décoré. On l’appelle « Kétouva » ou « Kétouba ». Il s’agit d’un contrat de mariage écrit en araméen conforme aux modèles fournis par le rabbinat. Le contenu est expliqué au couple par le rabbin-marieur. Précisons-en l’essentiel ainsi que son importance pour la sauvegarde des intérêts de la future épouse et son utilité à différentes occasions dans la vie du couple.
L’engagement du mari
Le sentiment d’avoir trouvé « l’âme sœur », s’il est sincère, doit se traduire par une prise de responsabilités. Une union hors mariage nuit à la femme (même consentante) qui n’a alors aucun statut ni aucunes garanties. Les Sages d’Israël ont voulu sauvegarder les intérêts des épouses.
La Kétouva est un acte conventionnel à valeur légale institué il y a plus de deux millénaires dont la portée fut renforcée vers 90 avant l’ère courante[2]. Ce contrat matrimonial est signé par le mari et par des témoins n’ayant pas de rapport parental, avec les futurs époux ou entre eux. Il atteste que le mari s’engage à se conformer aux prescriptions prévues en faveur de son épouse par la Torah, le Talmud et la loi juive. Dans la Kétouva figurent : les noms des époux, de leurs parents et des témoins ; les dates et lieux de célébration du mariage. Sont indiqués certains des dix engagements du mari envers sa femme : la nourrir, l’habiller, satisfaire ses besoins affectifs, la compenser financièrement s’il décide de divorcer ou s’il meurt avant elle, la faire soigner, la racheter en cas de prise d’otage, régler les frais d’obsèques en cas de décès. La reconnaissance du droit de la femme à vivre dans la propriété du mari et à jouir de ses biens pour ses besoins alimentaires jusqu’à ce qu’elle décède ou qu’elle se remarie. Le mari s’engage aussi à ce qu’après son décès :
1- Les enfants communs héritent de la somme à laquelle il s’est engagé en faveur de l’épouse (si elle était décédée avant lui), avant le partage du reste de l’héritage avec d’autres héritiers ;
2- Les filles soient « nourries » de l’héritage jusqu’à leurs mariages.
Par la Kétouva, les Sages ont protégé l’épouse de deux façons :
1- En dissuadant les maris impulsifs de compromettre l’avenir de leurs couples à cause d’un emportement passager[3]. Se sachant financièrement engagés nombreux furent les maris qui préférèrent une réconciliation au divorce.
2- En garantissant la sécurité financière de l’épouse après le décès du mari. En cas de divorce, le mari se doit d’honorer sa dette, parfois lourde. De nos jours, si bien souvent les tribunaux préfèrent arriver à un compromis, cela n’est pas toujours possible. En mai 2009 le Beth din de Haïfa a condamné un mari à payer la somme d’un million de dollar inscrite sur la Kétouva.
La kétouva démontre la prise en compte plus que bimillénaire des intérêts de la femme juive par la halakha. Conservée par l’épouse – ou sa famille – elle contribue à la stabilité du couple et au respect des droits de la femme. Mais ce document a d’autres fonctions.
Fonctions de la Kétouva à notre époque
En plus la sauvegarde des intérêts de la femme juive, la kétouva est utile longtemps après le mariage et même… après la vie des conjoints. Elle est nécessaire pour :
- Attester de l’union maritale auprès des autorités israélienne ou communautaire juives ;
- Attester de la judaïcité des enfants du couple (et des enfants des filles du couple) ;
- Permettre l’inscription des enfants au rabbinat en vue de leurs mariages ;
- Constituer un dossier en vue d’une montée en Israël (“Alyah”) ;
- Permettre l’entrée des enfants à l’école juive.
La Kétouva doit donc être précieusement conservée par la famille de la mariée ou au domicile conjugal. Le Talmud [4] et la halakha [5] indiquent qu’il est interdit à un couple d’habiter ensemble sans pouvoir accéder à la Kétouva en cas de besoin. Si le document a été perdu, détruit ou endommagé, il faudra demander au Tribunal rabbinique une « Kétouva de remplacement ».
Questions actuelles
Juristes et dayanim (juges rabbiniques) se penchent régulièrement sur le sujet de la Kétouva. Dans le cadre limité de cet article, évoquons quelques problématiques.
Existe-t-il des cas où la femme perd son droit aux garanties financières de « sa Kétouva » ?[6]
Que deviennent les droits du mari lorsque sa femme demande à profiter de ses droits d’épouse à la fois devant les tribunaux civils et religieux ? [7]
Les droits de l’épouse sont-ils toujours respectés dans les « nouvelles Kétouvot » proposées par des organismes non orthodoxes ? Il convient d’être vigilant, car ces contrats bilatéraux entre époux peuvent ne pas respecter la halakha, voire porter atteinte aux droits de l’épouse [8]. Ces questions engagent une réflexion sur le mariage juif [9].
La remise de la Kétouva à la mariée demeure l’une des étapes clés du mariage juif. Outre les engagements pris, le mari témoigne du respect qu’il entend accorder à son épouse. Il commence ainsi la construction d’un foyer heureux.
© L’ auteur. https://brit-milah.com/la-ketouva/ et Futé magazine
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Notes
[1] Editeur de la collection halakhique Dérekh mitsvotékha et du site web brit-milah.com.
[2] Talmud, Traité Kétouvot 82b.
[3] Talmud, Traités Kétouvot 11a, Yébamot 89a.
[4] Talmud Traités Baba kama 89a et Kétouvot 57a.
[5] Choul’hane aroukh, Even haezer chap. 66 (3).
[6] https://www.psakdin.co.il/
[7] « La Kétouva au Beth din, le partage des biens au tribunal ou les deux ? » (Rav Eliyachiv Kanohal).
[8] http://halachayomit.co.il/fr/default.aspx?HalachaID=1540.
[9] Autres sources : https://www.hidabroot.org/article/2302,
https://www.loubavitch.fr/etude/question-reponses/1767-qu-est-ce-que-la-ketouba,
https://www.torah-box.com/femmes/torah-feminine/qu-est-ce-qu-une-ketouba_13988.html.
Pour citer cet article
R’ Eliyahou Bakish (2022), « La Kétouva: sauvegarde de la femme juive », Futé Magazine, Numéro spécial de mai 2022, « Les femmes nous sauveront« , n°314, pages 26-27 (voir aussi p. 30).
© Futé Magazine et Editions Bakish, 2022. https://brit-milah.com/la-ketouva/