Hommage
Rabbi Meïr Abitbol z »l nous a quittés il y a quelques jours, entre Rosh Hashana et Kippour. Nous tenons à lui rendre hommage en publiant sur notre site le texte d’hommage qu’a écrit Hillel Bakis, mon père et maître. R’ Eliyahou Bakis
Hommage à Rav Meïr Abitbol z”l (1944-2023)
par Hillel Bakis
Rabbi Meïr Abitbol[1] nous a quittés quelques jours après Rosh Hashana.
Rendons-lui hommage en rappelant quelques aspects de sa biographie et de son œuvre d’éditeur et de diffuseur des ouvrages, souvent inédits, des rabbins sépharades des cinq derniers siècles.
Biographie
Né à Casablanca (Maroc) en 1944, Rav Meir Abitbol est le fils de Rav Amram Abitbol et de Sarah Zohra, née Elbaz. Il a étudié à Tanger (Maroc)[2] puis à la Yéchiva de Gateshead (Royaume-Uni). Il a rejoint la Yechiva Mercaz haTorah du Raincy (Région parisienne), dès sa création en 1967. En 1968, il épousa en Israël Yokhéved Larédo originaire de Mazagan (Maroc), avant de suivre ses parents à Montréal (Canada). En cette ville, il a contribué à fonder d’importantes institutions : la Communauté sépharade du Québec, la Synagogue Centre séfarade, le Grand Rabbinat sépharade du Québec et l’École sépharade[3].
En 1981, il s’est installé en Israël avec sa famille. D’abord installé à Jérusalem (Gilo), il y a établi un Beth hamidrach et un Kollel du soir. A Bnei Berak, il a dirigé la Yéchiva Ohel Moshé, yeshiva sépharade qui comptait plusieurs centaines d’étudiants.
En 2011, il publie un ouvrage destiné à présenter divers aspects du Judaïsme à l’intention de la préparation aux bar-mitsvot et bat-mitsvot[4].
Création de l’Institut Bnei Issakhar et de la Bibliothèque Sépharade Mondiale
Jusqu’aux années 80, les œuvres des œuvres des rabbins d’Afrique du Nord étaient difficiles d’accès ; leur étude était rarement programmée dans les centres d’études et les yeshivas. Leurs citations dans la littérature de la Torah étaient négligeables. Cette situation causait une perte regrettable, car les rabbins d’Afrique du Nord ont produit des œuvres très importantes depuis l’expulsion d’Espagne. Mais ils n’avaient que rarement accès à l’imprimerie. Leurs manuscrits sont restés sous la forme de manuscrits et lorsqu’ils parvenaient à les faire imprimer, ce n’était qu’à un petit nombre d’exemplaires. En conséquence, le patrimoine juif était privé d’une grande quantité d’œuvres rabbiniques.
Rav Meïr Abitbol m’a confié[5] il y a plus de dix ans qu’il avait toujours été surpris de constater que les enseignements rabbiniques ignoraient le plus souvent l’œuvre des rabbins d’Afrique du Nord[6].
Or, en 1983, Rav Meïr Abitbol a découvert que la Bibliothèque nationale possédait un trésor inestimable sur le site de l’Université hébraïque de Jérusalem : des milliers de manuscrits et d’œuvres rabbiniques écrits au Maghreb et dans les pays du monde sépharade y avaient été réunis. Cette découverte l’a conduit à un constat : « Les leaders communautaires et les Rabbins sépharades ont laissé pendant longtemps un grand vacuum au niveau de l’enseignement religieux destiné à nos jeunes. Ce vide a été comblé par d’autres mouvements orthodoxes, majoritairement ashkénazes. C’est regrettable. Nous devons absolument être présents auprès des jeunes Sépharades et leur rappeler avec insistance qu’ils sont les légataires d’un patrimoine spirituel et culturel fabuleux que la plupart d’entre eux ne connaissent pas du tout. Les Sépharades ont perdu trop de temps. Ce travail éducatif essentiel doit être entrepris incessamment. » [7]
Cette prise de conscience l’a déterminé à créer l’Institut Bnei Issakhar, nommé en l’honneur de son grand-père, Rav Yissachar Simoni z’’l.
Il a fixé quatre missions principales à cette nouvelle institution :
- Rééditer des livres épuisés des maîtres de la tradition religieuse sépharade, judéo-maghrébine notamment. Editer des manuscrits encore inédits. Plus de 500 ouvrages ont été publiés par sa maison d’édition[8];
- Diffuser ce patrimoine largement méconnu et souvent encore inédit, en Israël et auprès des communautés juives de la Diaspora. Pour cela, il a créé une librairie ; une maison d’édition[9], la revue Ohr hamaarav[10]; et il a fait connaître divers sages sépharades chaque fois que cela lui a été possible[11] ;
- Montrer aux jeunes Sépharades que leurs ancêtres ont produit quantité d’œuvres rabbiniques et intellectuelles « d’une immense originalité dont les tous les Sépharades devraient s’enorgueillir. »[12] Cette mission lui semblait essentielle, car il estimait que « La raison principale pour laquelle beaucoup de jeunes Sépharades, surtout d’origine marocaine, se sont éloignés du judaïsme traditionnel de leurs parents et grands-parents et ont adhéré à des mouvements ashkénazes orthodoxes, c’est parce qu’ils étaient en quête d’un judaïsme plus intellectuel et mieux structuré que celui qu’on leur proposait dans le cadre communautaire sépharade dans lequel ils ont grandi »[13];
- Créer une nouvelle institution : la Bibliothèque sépharade mondiale (World Sephardic Library) à Jérusalem. Dans la vision de R’ Abitbol, elle disposera d’un centre d’études et de recherches comptant quelque 60000 livres et 20000 manuscrits (de maîtres sépharades) ; d’archives numérisées ; d’un service de traduction de manuscrits anciens ; d’une maison d’édition[14]; d’un centre audiovisuel[15] ; d’un musée du judaïsme sépharade… [16]
Rav Meir Abitbol z’’l a pu commencer à bâtir cette institution et à en définir les missions et à en fixer les enjeux. Laissons-lui le dernier mot. Ce projet « contribuera certainement à réhabiliter et à promouvoir le patrimoine spirituel, liturgique et culturel sépharade. J’espère que ce méga-projet se concrétisera dans un futur proche »[17].
Références
Abitbol, R’ Michel Meir (2011), Le livre du BAR-MITSVA, http://www.wslibrary.net/
Abitbol, R’ Meir (2021), « Rab Ephraïm Enkaoua – Le maître de Tlemcen », 8 décembre. Vidéo de Torah Box. https://www.torah-box.com/etudes-ethique-juive/nos-sages/rav-ephraim-enkaoua-le-maitre-de-tlemcen_34065.html
Bouskila, Rabbi Daniel (2023), « A Memorial Tribute to Rabbi Meir Abitbol z”l », September 28, https://jewishjournal.com/judaism/sephardic-torah/363299/he-loved-books-people-and-sephardic-manuscripts-a-memorial-tribute-to-rabbi-meir-abitbol-zl/
Kahn, Henri (2023), « Rav Méïr Abitbol, fondateur de la Sifria Sefaradith, est décédé à 79 ans », 20 septembre, http://www.kountrass.com/rav-meir-abitbol-fondateur-de-la-sifria-sefaradith-est-decede-a-79-ans/
Dayan, Barukh (2023),
Levy, Elias (2015), « Découvrir le Patrimoine religieux sépharade », The Canadian Jewish News, December 29, https://thecjn.ca/en-francais/decouvrir-le-patrimoine-religieux-sepharade/
Moreshet-morocco.com (2012), « Une histoire de familles » (Rav est présenté parmi divers rabbins et autres notabilités portant le patronyme Abitbol), 6 septembre, https://moreshet-morocco.com/2012/09/06/une-histoire-de-familles-j-toledano-5/
Rotter.net/ (2023), ברוך דיין האמת: נפטר הרב מאיר אביטבול, מייסד הספריה הספרדית , https://rotter.net/forum/scoops1/811734.shtml; https://www.srugim.co.il/)
Wikipedia – Meir Abitbol https://he.wikipedia.org/wiki/%D7%9E%D7%90%D7%99%D7%A8_%D7%90%D7%91%D7%99%D7%98%D7%91%D7%95%D7%9C
Wikipedia. Ohr hamaarav. https://he.wikipedia.org/wiki/%D7%90%D7%95%D7%A8_%D7%94%D7%9E%D7%A2%D7%A8%D7%91
World Sephardic Library, https://5cdac59f928a7.site123.me/links/world-sephardic-library (http://www.wslibrary.net/sifria/en/12-books)
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© Hillel Bakis, Institut R’ Yesha’ya Bakish zts’’l. Kiryat Ata, Israël. 12 Octobre 2023.
[1] הרב מאיר אביטבול ז »ל
[2] Ozar Hatorah.
[3] Rabbi Daniel Bouskila (2023).
[4] Il faudrait par ailleurs présenter les écrits du Rav.
[5] Lors d’une des entrevues qu’il m’a accordées au fil des années dans sa librairie de la rue Yossef puis dans celle du quartier des Boukharim (Jérusalem).
[6] Cette remarque rejoignait ma propre constatation. Alors que je fréquentais en France des synagogues sépharades, les rabbins, lorsqu’ils racontaient des histoires dans leurs drachot, parlaient de rabbins ashkénazes ou ‘hassidiques, mais jamais ou presque de rabbins du Maghreb ou d’Orient. C’est cette constatation qu’il m’a conduit à entreprendre et publier mon anthologie des contes et récits d’Afrique du Nord (Le fil du temps, 2000; Les chemins du Ciel, 2005).
[7] Elias Levy (2015).
[8] Ormaarav, http://www.wslibrary.net/
[10] Ormaarav, http://www.wslibrary.net/
[11] Ainsi, la revue Kountrass a publié une série d’articles concernant divers sages sépharades « sur ses conseils » (R’ H. Kahn, 2023).
[12] Elias Levy (2015).
[13] R’ Meir Abitbol, cité par Elias Levy (2015).
[14] Parmi les auteurs et ouvrages publiés, citons des sources majeures sur le judaïsme marocain (Malkhé Rabanan, Ner hama’arav). Des livres de R’ Aharon Ibn Haim (Lev Aharon sur les Prophètes ; Korban Aharon sur la Torah des prêtres) ; de R’ Yehuda Ayyash d’Alger (Beit Yehuda, Maté Yehuda) ; de R’ Yosef Mashash (Le Trésor des Lettres, Maim Haim, Nachalat Avot) ; de R’ Shalom Bozaglo (Commentaire sur le Zohar), ; de R’ Prof. Shlomo Tolidano (Devi Shalom Vamet).
[15] Grâce à une vidéo de 2021, nous pourrons encore revoir ce maître enseigner. Sa présence sur ce document est une petite consolation malgré la perte immense que son départ laisse au monde sépharade.
[16] En 2008, il remporte le prix Nissim Gaon, en hommage à 25 ans de diffusion des ouvrages des rabbins sépharades.
[17] R’ Meir Abitbol, cité par Elias Levy (2015).
(c)Hillel Bakis. Institut Rabbi Yesha’ya Bakish zts »l. 12 octobre 2023. editionsbakis.com